Cheik Raymond Leyris

Cheik Raymond Leyris (1912-1961)

Raymond leyris

Qui de mieux qu’Enrico Macias pour nous présenter son beau-père Tonton Raymond, qui était aussi son Maître de musique arabo-andalouse, le Malouf, avec ce bref extrait de son livre « Mon Algérie » Plon éditeur 2001

« …Comme nous tous, Raymond a grandi aux sons du Malouf, qui rythme toute la vie à Constantine. Très jeune, il se met au oud,le luth arabe, et son talent est éclatant. Pour couronner le tout, Dieu l’a doté d’une voix sublime dont il émane je ne sais quelle nostalgie immémoriale. Quoiqu’il chante, c’est une prière ardente qu’on entend monter. Son chant semble prendre sa source en Dieu, traverser l’Andalousie de nos pères et les siècles afin d’enchanter l’âme de son auditoire. Sa musique vous serre le cœur parce qu’elle évoque le paradis perdu. Il faut dire que plus que quiconque, mon beau-père était lui-même la synthèse du brassage qui, au IXe siècle avait donné naissance aux noubas arabo-andalouses. Né d’une mère chrétienne, sa famille d’adoption lui a inculqué le judaïsme, l’Algérie lui a donné son mode de vie et ses valeurs, et la France lui a transmis sa culture. Bien que parfaitement francophone, sa langue courante est l’arabe dialectal tandis qu’il ne chante qu’en arabe classique. Enfin, grâce à l’étude de la Torah, il possède l’hébreu. Au lieu d’être écartelé entre trois civilisations, il les a fondues en lui par la grâce de son alchimie personnelle. Il ne pouvait pas faire autrement que de devenir le symbole du Malouf. Il était né pour ça. C’était sa mission…. »

Hommage d'Alexandra Leyris, petite fille du chanteur à son grand-père :

Aujourd'hui je tiens à rendre un hommage particulier à mon grand-père paternel Raymond Leyris (zal) lâchement assassiné le 22 juin 1961.

Son assassinat par le FLN marqua le départ massif de la communauté juive constantinoise, et plus globalement algérienne.

Mais qui était Raymond Leyris?

Maître de la musique arabo-andalouse, il est un symbole de la fraternité judéo-arabe qui s’exprima en musique entre les années 1930 et 1950.

Raymond Leyris est né en 1912, d’un père juif originaire de Batna, la capitale des Aurès et d’une mère française.

Il est abandonné par sa mère, à la suite de la mort de son père sur le front de la Somme, pendant la Première Guerre mondiale, et est adopté par une famille juive pratiquante très pauvre.

Attiré par la musique, il se forme au malouf avec les Cheikhs Omar Chaklab et Abdelkrim Bestandji.

Le malouf est la forme constantinoise de la musique savante issue de la tradition musicale arabo-andalouse. Patrimoine commun aux musulmans et aux juifs, le malouf célèbre l’amour courtois.

Devenant progressivement l’égal de ses maîtres de musique, Cheikh Raymond est respecté aussi bien par les Juifs que par les musulmans d’Algérie, qui l’appellent dès le milieu des années 1930 «Cheikh Raymond» en signe de respect.

Joueur virtuose d’oud (luth arabe), il se produit durant des fêtes familiales, juives ou musulmanes, et dans des concerts; il bénéficie d’une émission hebdomadaire à la radio et d’une émission régulière à la télévision et enregistre une trentaine de 33 tours entre 1956 et 1961, en plus de nombreux 78 tours.

Mon grand-père est assassiné d’une balle dans la nuque, le 22 juin 1961, par le FLN, alors qu’il fait ses courses au souk de Constantine.

Sa mort est perçue comme une rupture définitive qui marque l’impossibilité de rester en Algérie.

La musique de Cheikh Raymond est préservée grâce à l’action de mon père et de son ami le professeur Raphaël Draï (zal) qui, dans les années 1970, est le premier à faire revivre sa mémoire.

En 1994, la rencontre avec le talentueux musicien et musicologue Taoufik Bestandji, petit-fils du Cheikh Abdelkrim Bestandji, a permis la sortie de trois CD d’un concert donné en 1954 à l’Université populaire de Constantine.

En 2011, le journaliste Bertrand Dicale publie une magnifique biographie consacrée à mon grand-père: “Cheikh Raymond, une histoire algérienne” que je  vous invite vivement à lire.

Alexandra Leyris

Biographie :

Fils illégitime d'un commerçant juif originaire de Batna et d'une mère chrétienne, il est abandonné par cette dernière, après la mort en 1915 de son père durant la Première Guerre mondiale. Il est adopté par une famille juive très pauvre et élevé dans l'observance hébraïque

Il apprend le malouf grâce aux Cheikhs Omar Chaklab et Abdelkrim Bestandji. Il se produit durant des fêtes familiales, juives ou musulmanes, et dans des concerts ; il bénéficie d'une émission hebdomadaire à la radio et d'une émission régulière à la télévision2. Cheikh Raymond enregistre une trentaine de 33 tours entre 1956 et 1961 en plus de nombreux 78 tours. Son orchestre compte alors Nathan Bentari, Haïm Benbala, Larbi Belamri, Abdelhak, mais aussi le violoniste Sylvain Ghrenassia et son fils Gaston, guitariste qui épouse plus tard sa fille Suzy et devient célèbre sous le nom d'Enrico Macias.

Il est abattu d'une balle dans la nuque, le 22 juin 1961, au souk El Acer de Constantine7, place Négrier, sous les yeux de sa fille Viviane et du jeune Paul Amar :

« Il incarne la société rêvée, où les hommes s'enrichissent de leurs différences. Il s'entête d'ailleurs à donner des concerts, en pleine guerre, et à rassembler les uns et les autres dans une même ferveur. Je vois, enfant, des hommes pleurer, émus et attendris par ses mélopées. Et je pleure aussi, mais pour une autre raison, le jour où cet homme tombe sous mes yeux. Abattu de deux balles en plein jour, place du marché. J'ai dix ans. Je suis à quelques mètres de lui quand les coups de feu sont tirés. Raymond s'écroule et je reste près de lui, figé, tétanisé. Je comprends ce jour là que le monde n'est pas innocent. « Ils » ont tué l'artiste et plus encore « l'homme de paix ». « Ils » rendent dès lors impossible tout espoir de réconciliation. »

— Paul Amar dans Blessures

Sa mort est perçue comme un avertissement pour la communauté juive constantinoise et marque le début de son émigration. L'assassinat n'a jamais été revendiqué et aucun témoignage direct ou indirect ne l'a expliqué.

Source Wikipedia

Le Malouf

Le "malouf" est la forme qu'emprunte la tradition musicale arabo-andalouse à Constantine et en Tunisie. Ce mot signifie en arabe, "fidèle à la tradition". Fidélité au patrimoine musical qui s'est enrichi dans l'Andalousie, du VIIIe au XVe siècles, dans les cours royales, les cénacles intellectuels et les jardins des délices, à Grenade, Cordoue, Séville, mêlant musulmans et juifs, dans la célébration de l'amour courtois et de l'élan vers Dieu. Avec l'expulsion d'Espagne, en 1492, des musulmans et des juifs, s'est fermée une page, dont les échos cependant perdurent dans l'Ibérie d'aujourd'hui.

S'est ouverte une nouvelle page, en Afrique du Nord et dans toute l'aire arabo-musulmane, de l'Océan aux confins de la Perse. Musique vivante, même si ses modes savants et , surtout, sa transmission orale l'ont soumise à bien des vicissitudes. Ainsi, des vingt-quatre "noubat" originelles, autant de suites correspondant aux heures de la journée, l'Algérie n'a-t-elle pu conserver que douze.

[...] Fermez les yeux, laissez votre cœur vibrer à chacune des mesures du luth et de la cithare, accorder son rythme au tambourin, s'élever sous l'archet de l'alto, tressaillir à l'appel de la flûte bédouine (si spécifique de Constantine).

Bientôt vous connaîtrez ce que les Arabes nomment le "tarab", cette extase qui libère l'âme hors de la prison du corps. [...] »

Jean-Luc Allouche
Jaquette du disque "Hommage à Cheikh Raymond" par Enrico Macias.

 

Cheikh Raymond LEYRIS Poète Amazigh musique malouf de CONSTANTINE

 

 

Raymond Leyris et les juifs de Constantine

Reportage d'il y a une dizaine d'années retraçant l'histoire du célèbre chanteur de la musique andalouse constantinoise Cheikh Raymond Leyris, dit "Tonton Raymond".
Derrière son histoire fabuleuse et tragique à la fois, ce reportage laisse entrevoir la vie des 40 000 Juifs de Constantine.
Témoignages d'Enrico Macias, son fidèle élève ainsi que de nombreux autres intervenant.

 

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Date de dernière mise à jour : 22/06/2018