L'Etranger, par Jacques Ferrandez, d'après Albert Camus

“L’Etranger”, le roman d’Albert Camus adapté par Jacques Ferrandez en B.D.

Albert Camus naît à Mondovi, en Algérie, en 1913. Pendant la seconde guerrre mondiale, il intègre un mouvement de résistance à Paris, puis devient rédacteur en chef du journal «Combat» à la Libération. Romancier, dramaturge et essayiste, il signe notamment «L'étranger» (1942) et «La Peste» (1947), et reçoit le prix Nobel de littérature en 1957. Il meurt en 1960 dans un accident de voiture.

 

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.Jacques Ferrandez  est né en Algérie en  1955, et l'a quittée un an plus tard. L'Algérie reste au cœur de l'œuvre de Jacques Ferrandez, auteur de la série Carnets d'Orient (éd. Casterman). Logique donc qu'il s'attaque à l'œuvre d'Albert Camus : d'abord avec L'Hôte en 2009, puis avec L'Etranger, qu'il vient d'adapter. Ses aquarelles lumineuses restituent élégamment des paysages écrasés de chaleur, où se déroule un drame sourd : l'indéchiffrable Meursault a tué un homme, et va être condamné à mort. Mais le jury est-il plus sensible à cet assassinat, ou à l'indifférence affichée de l'accusé lors de l'enterrement de sa mère ?

Pour Télérama.fr, Jacques Ferrandez commente trois planches de son album.. Gallimard, 134 p., 22€.

http://www.telerama.fr/livre/bd-l-etranger-le-roman-d-albert-camus-adapte-par-jacques-ferrandez,96095.php

 

« Aujourd'hui, Maman est morte. » 
L etranger planche 4« Impossible de ne pas reprendre le célèbre incipit du roman : “Aujourd'hui, Maman est morte.” Mais je ne savais pas comment l'installer dans le récit. Je ne souhaitais pas garder de voix off : c'est de la bande dessinée, il faut dialoguer les situations pour les rendre vivantes. J'ai donc dû trouver une astuce. Albert Camus m'a fourni la solution : son héros s'assoupit dans le bus, quelques pages plus loin. J'ai profité de cette situation pour opérer un retour en arrière dialogué, et conserver ensuite cette forme de narration. J'ai choisi de faire de Meursault un homme jeune. Pour moi, L'Etranger est un roman sur la jeunesse, il pointe un refus du mensonge et des règles de la société. J'ai pensé à James Dean ou Gérard Philipe pour créer mon héros. Comme je dessine l'intrigue au fur et à mesure, mon trait évolue : au début, je cherche mes personnages, je peine à les rendre ressemblants d'une case à l'autre. Cela va finalement bien à Meursault, qui est si difficilement cernable... »



  L'enterrement de la mère 

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« Voilà la fin de la scène de l'enterrement de la mère de Meursault. Dans son livre, Camus évoque le goudron de la route qui fond, tant il fait chaud. Il était donc essentiel de montrer à quel point la chaleur baigne toute l'histoire, jusqu'au malaise. Elle constitue le fil rouge de ce récit. Il m'a fallu faire passer un sentiment d'écrasement. Je représente un soleil presque enfantin, très codifié. J'utilise là un vocabulaire très « ligne claire », qu'on peut retrouver chez Hergé – notamment lorsqu'il montre le Capitaine Haddock saoul, ou le Professeur Tournesol en pleine confusion : des spirales, des gouttes... Les couleurs sont évidemment importantes, puisqu'elles traduisent la lumière. Lorsque j'ai commencé à travailler sur l'Afrique du Nord, je me suis inspiré des peintres orientalistes. Mais c'était trop vif, criard. J'ai opté pour des teintes plus douces, qui montrent mieux l'aveuglement généré par le soleil. »

   Le procès de Meursault  

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« Pas évident de montrer le procès de Meursault sans être ennuyeux et répéter des joutes verbales un peu similaires. Un vrai challenge, puisque vingt-quatre pages de cette BD se déroulent au sein d'un tribunal ! J'ai donc utilisé des scènes à l'aquarelle pour figurer l'ambiance générale, et permettre à la planche de respirer. J'ai aussi alterné des plans serrés et généraux. Mais l'ensemble est véritablement porté par le texte. Je me suis amusé à faire des clins d'œil : le procureur ressemble fort à Jean-Jacques Brochier, un intellecturel parisien dans la mouvance de Jean-Paul Sartre, qui avait qualifié Albert Camus de « philosophe pour classe de terminale ». Et j'ai fait à Céleste – le patron du restaurant où Meursault a ses habitudes – la tête de William Faulkner, pour lequel Camus avait beaucoup d'admiration. Un peu plus loin, j'ai transformé Sartre en journaliste agressif venu de Paris... Une façon de venger Camus, en quelque sorte ! »

 

L'Etranger, par Jacques Ferrandez, d'après Albert Camus. Ed. Gallimard, 134 p., 22€.

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Interview de Jacques Ferrandes lors de la sortie du livre en 2013 http://www.librairielucioles.com/Interview-de-Jacques-FERRANDEZ.html

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Date de dernière mise à jour : 24/06/2016