Lettre à la conscience de Benjamin Stora

Lettre à la conscience de Benjamin STORA

Par André Trives

Auteur

Vous êtes né à Constantine en 1950, et vous avez quitté l'Algérie en 1962 à l'âge de 12 ans. Aujourd'hui, pour les médias de gauche vous êtes considéré comme un historien spécialiste de l'Algérie, c'est à dire que vos connaissances reconnues se sont nourries en compulsant des analyses qui ne vous appartenaient pas. Convenez qu'aujourd'hui nous avons la chance d'avoir parmi nous des témoins de toutes origines ayant vécu plus d'une trentaine d'années en Algérie avant 1962 ; alors profitons-en ! Indubitablement pour approcher la vérité historique en toute chose, on a tout intérêt à entendre le témoignage d'une personne encore en vie plutôt que celui de l'historien dont les idées sont pompées dans des archives. Le philosophe Régis Debray, homme de gauche, affirmait que la liberté de pensée de l'historien demeure toujours sous l'influence des auteurs qu'il a choisi de lire. Dois-je vous rappeler la différence notoire qui existe entre un témoin qui raconte ce qu'il a vécu et un historien qui construit son savoir par la lecture d'auteurs choisis pour la même sensibilité politique. Le premier décrit ce qu'il a vu et le second ce qu'il a lu.

Monsieur Stora, vous avez été membre du groupe trotskiste Alliance des jeunes pour le socialisme, l'organisation de la jeunesse communiste internationale. Vous rapportez qu'en Algérie française les communautés Juives, Musulmanes et Chrétiennes ne se mélangeaient pas. Laissant penser que la France entretenait une politique ségrégationniste. Cher monsieur, avez-vous oublié qu'au XIXème siècle, ce sont les rabbins, les imams et les curés qui encourageaient leurs ouailles en prêchant qu'un juif devait se marier avec une juive, un musulman avec une musulmane et un catholique avec une catholique ? Ignorez-vous encore, qu'il y avait au sein de chaque religion des recommandations partisanes entre séfarades et ashkénazes, entre sunnites et chiites, entre espagnols et italiens ? Votre ignorance douteuse n'a-t-elle pas pour but de semer la discorde afin de faire croire que les français d'Algérie étaient de minables racistes ? Cela vous arrange de nuire à cette Algérie française que vous avez si peu connue, et qui correspond à votre idéologie favorable à la lutte pour l'Indépendance. Vous êtes un historien d'histoires fabriquées qui s'indignait de la disparition de Maurice Audin ou de la pratique de la torture par l'armée française. Mais vous ne dites pas un mot sur les milliers d'innocents musulmans, juifs et chrétiens torturés et tués parce qu'ils étaient français. Pour vous, les massacres de Mélouza, d'El Halia, de Philippeville, de Constantine, d'Oran et le génocide des harkis font partie de la lutte légitime des terroristes du FLN. Les paroles d'Albert Camus lors de la remise de son prix Nobel en 1957 à Stockholm montrent le vrai visage des français d'Algérie : « J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice »

Vous, le petit juif de Constantine, vous avez reçu de vives critiques de la part du Centre Simon-Wiesental sur votre ouvrage ''Histoire des relations entre juifs et musulmans'' ; celui-ci a demandé dans une lettre au Ministre de la Culture et au Centre national du livre de faire rectifier les multiples erreurs et omissions que vous avez faites dans ce livre sur l'histoire des juifs en Algérie. Une fois de plus le choix de vos lectures vous a conduit à écrire des propos partiaux.

Monsieur Stora comment pouvez vous défendre l'idée que les juifs et les musulmans vivaient en bonne intelligence depuis des siècles. Roger Hanin en avait parlé aussi mais son témoignage évoquait l'époque apaisée vécue en Algérie française. Avez-vous jamais entendu parler du statut honteux de dhimmi réservé au juifs avant 1830 en pays musulman depuis des siècles ? Cette cruauté inscrite dans la loi considérait les juifs comme des sous-hommes. Cela vous gène-t-il de dire que la vie des juifs durant plus de mille ans a été un enfer. Jugez plutôt :

  • Un juif passant devant une mosquée devait marcher pieds nus.
  • Il ne pouvait monter à cheval et devait se servir de mulets ou d'ânes.
  • Interdiction de s'approcher d'une fontaine lorsqu'un Maure y buvait.
  • Il leur était interdit de s'asseoir devant un mahométan.
  • Leur habillement devait être noir, parce que cette couleur était méprisée des Maures. Le 13 décembre 1788, tous les juifs d'Al-Djazaïr qui n'avaient pas accepté d'être habillés en noir furent arrêtés et reçurent dans la maison du Dey trois cents coups de bâton sur la plante des pieds.
  • Un Maure appelait tout juif qui passait et lui ordonnait de remplir auprès de lui les fonctions de domestique.
  • On s'amusait à barbouiller les mains, le visage, les cheveux et les habits des enfants juifs avec de la peinture et de la boue.
  • Les soldats turcs entraient dans les maisons et insultaient les femmes, sans que le chef de famille aient le privilège de leur dire de se retirer.
  • C'était l'affaire des juifs d'exécuter tous les criminels et d'enterrer ensuite leurs corps.
  • On employait les juifs à porter les Maures sur les épaules, quand ceux-ci débarquaient dans les eaux basses.
  • Si un juif osait lever la main sur un Maure, sa main était coupée.
  • Les Turcs usaient de la force pour faire des emprunts et, chez eux, ce n'était pas celui qui manquait de payer qui était incarcéré, mais bien celui qui refusait de prêter.
  • Le père de famille juif inculquait à ses enfants la nécessité du silence et une obéissance aux Maures sans borne.
  • Le grand rabbin d'Al-Djazaïr, Isaac Aboulker (1755-1815) fut décapité en place public avec six autres juifs le 7 juin 1815 sur ordre du Dey pour avoir pris la défense de la communauté face à une pression fiscale excessive.

Le statut de dhimmi fut mentionné par la France dans l'acte de capitulation signé par le Dey d'Al-Djazaïr, le 5 juillet 1830, afin que cesse immédiatement le comportement raciste des musulmans à l'égard des juifs. Malheureusement, quarante ans plus tard, en 1870, les juifs subissaient toujours les mêmes brimades. Informé sur l'attitude xénophobe subit par les juifs, Gaston Crémieux, ministre de la Justice et des Affaires algériennes, décida d'octroyer la citoyenneté française aux 35.000 juifs d'Algérie par décret n°136 du 24 octobre 1870. Les musulmans aussitôt crièrent au scandale de ne pas avoir obtenu les même droits, feignant d'ignorer la raison.

Monsieur Stora, ''il n'y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir'' ; vous aussi, vous considérez que le décret Crémieux n'était pas équitable et qu'il fut '' le début d'une désunion'' puisqu'il ne prenait pas en compte les musulmans. Votre trou de mémoire occulte qu'en 1865, cinq ans auparavant, le sénatus-consulte de Napoléon avait déjà proposé aux juifs et aux musulmans d'obtenir la citoyenneté française à condition d'en faire la demande et se plier comme les étrangers à une procédure de naturalisation ; ce fut un échec car les rabbins et les imams refusèrent au prétexte que la France voulait les christianiser.

Le Président Emmanuel Macron vous a confié en 2020 une mission sur la mémoire ''de la colonisation et de la guerre d'Algérie'' alors qu'en 1962 vous aviez l'âge de jouer aux billes et au train électrique...

Pour conclure, il me faut rappeler à notre Président et à vous-même les paroles d'Hocine Aït Ahmed, l'un des cinq chefs historiques de la révolution algérienne : « Du temps de la France, l'Algérie était un paradis ! », et de l'écrivain algérien Boualem Sansal : « ...ces foutus colons ont plus chéri cette terre (l'Algérie) que nous qui sommes ses enfants. » Des paroles qui ont le mérite de remettre l'histoire de l'Algérie française à l'endroit.

De grâce, messieurs les intellectuels, arrêtez d'insulter la mémoire des français d'Algérie !

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Date de dernière mise à jour : 16/12/2023