Mémoire de Tlemcen par Jeanine Ben Sakoun
Nous remercions Madame Chantal Henocq qui nous a transmis ces deux petits textes de souvenirs de Tlemcen de sa cousine Jeanine Ben Sakoun avec la lettre suivante :
« Bonjour,
J'appartiens à la famille Ben Sakoun de Tlemcen. Aujourd'hui je fréquente la communauté de Toulouse. Je vous contacte au nom de ma cousine Jeanine ben Sakoun, plus connue sous le nom d'épouse, Courquet, qui agit pour transmettre la mémoire de la communauté juive de Tlemcen qu'elle a quittée comme beaucoup en 1962. Elle souhaite voir publier sur votre site, 2 textes : "Casse-croûte au Rab de Tlemcen" et Simha Torah à Tlemcen" que je vous joins. S ils vous conviennent elle pourraient en produire d'autres.
Bravo pour votre site , bien amicalement »
Chantal Hénocq
Le casse-croûte au Rab de Tlemcen
Assez souvent, le jeudi matin dès notre lever, c'est à dire vers six heures (les journées commençaient très tôt) Maman nous disait, à notre petite soeur et à moi : « cet après-midi on va au Rab, tant qu'il fait beau. » Proposition accueillie toujours avec joie. L'expression « tant qu'il fait beau » signifiait : avant que la chaleur torride ne s'abatte sur la ville. Il nous fallait d'abord préparer la maison pour le samedi et faire les courses au marché. Maman faisant équipe avec ma petite sœur (pour porter les couffins) se dirigeait vers le marché.
Il m'incombait de nettoyer les chambres, de sortir nappes et serviettes pour parer la maison dès le vendredi matin. Le repas de midi, vite expédié, nous préparions dans un couffin une bouteille d'eau avec de la poudre de coco, des verres, une omelette aux pommes de terre (Markoud), une poignée d'olives vertes tirées de la jarre et un pain encore tiède. C'était un pain cuit dans un plat en terre et fait avec un mélange de semoule fine et de farine. Nous n'étions pas les seuls à avoir eu cette idée.
Quelques heures de bonheur absolu, dans une joie, une fraternité, une tendresse qui plus jamais ne seront retrouvées. Nous étions juifs pour l'éternité, à l'ombre des mûriers, abreuvés par la source du Rab de Tlemcen, au milieu des rires et des paroles. Nous pensions que tout cela ne cesserait jamais.
Simha Torah à Tlemcen
Tous les sephers-Torahs étaient regroupés dans une annexe de la Synagogue. Pour cette occasion mon père, le jardinier bénévole du jardin du Rab, avait préparé des seaux contenant des centaines de fleurs.
C'était essentiellement des grosses marguerites et des oeillets d'Inde, fleurs robustes et colorées. Avec du fil de rafia, il ornait les deux montants des sephers, qui aussitôt revêtus de cet habit de fête prenaient une allure nouvelle. La procession pouvait commencer.
Dans toutes les rues avoisinant la Synagogue du Rab, sur la place de la maison Mélis, dans la rue des bijoutiers, la foule se pressait, chantant et priant. Les Séphers passaient de mains en mains, bouquets sacrés, au milieu d'une liesse mystique. Les femmes participaient aussi à cette fête, lançant mêlés et entrecroisés youyous et bonbons sur les rouleaux et leurs porteurs.
Notre joie de vivre très solaire, notre vibrant amour du judaïsme nous semblaient naturels, installés pour l'éternité. Ce n'était qu'une parenthèse entre deux exils.
Jeanine Ben Sakoun
Commentaires (4)
- 1. | 27/02/2019
- 2. | 19/07/2017
- 3. | 08/04/2017
Jeanine vous embrasse affectueusement .
- 4. | 23/03/2017
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Date de dernière mise à jour : 05/03/2017
je voudrai faire une cérémonie pour Edouard et Simone , mes parents et voudrai te convier
je t'embrasse
Michèle