Petite musique d'une déchirure

Petite Musique d'une déchirure Une Petite Fille et la Guerre d'Algérie

Par Nicole SQUINAZI TEBOUL

Préface d’Albert Bensoussan

Editeur : L' HARMATTAN (15 septembre 2010)

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    1962, quelques mois avant la fin de la guerre d’Algérie. Une petite fille de deux ans et demi est éloignée d’Alger. Elle est confiée à la garde de ses grands parents à Marseille. Elle se trouve séparée de ses parents et de sa ville de naissance.

    Ce livre est le récit de tous les bouleversements qu’elle ressent. La petite fille découvre la solitude causée par cet éloignement forcé des lieux et des êtres chers. Submergée d’émotions multiples, elle vit dans un monde secret qui la soutient et qui l’anime. Consumée d’attente et de désespérance, elle s’ennuie de l’amour de ses parents dont elle manque cruellement. En elle résonne, douce amère, la petite musique de cette déchirure.

 

Petite misique d une dechirure photo auteurBiographie de l'auteur

Nicole Squinazi Teboul est née le 2 avril 1959 à Alger. Elle quitte l'Algérie à l'âge de deux ans et demi et vit aujourd'hui à Paris. Après des études de pharmacie, elle se consacre à la psychanalyse et à l'écriture. Passionnée par la musique classique, la littérature et la peinture, elle est mariée et mère de trois garçons. Elle a retrouvé en 2006 les lieux de son enfance.

 

 

Extrait :

TASSADIT

Nous sommes en 1962… Il est tôt. Ma grand-mère me prépare mon lait. La radio fonctionne dans la cuisine. « Les attentats ne cessent de se multiplier en Algérie. ». Cette phrase a changé la douceur du matin. Ma grand-mère s’est arrêtée de couper le pain. Elle a porté la main à son front et a murmuré comme pour elle-même : « Pourvu qu’ils aillent bien ! »

Je sais qu’elle parle de mes parents en Algérie. Je m’inquiète souvent pour eux, si loin de moi. D’habitude elle me dit : « Tout ira bien, ils rentreront bientôt ». À cet instant, elle a peur elle aussi. Je ne peux pas boire  le lait, ni manger les galettes et le pain de ce petit-déjeuner. Une boule s’est installée dans ma gorge et m’empêche d’avaler. J’ai chaud. Mon corps est en sueur. Mon coeur bat très fort. Je ne veux pas qu’ils sachent. Je pince mes lèvres et j’écarquille les yeux, pour empêcher les larmes de couler. Ma grandmèrea repris les préparatifs du petit-déjeuner. Je commence péniblement à boire le lait et à manger le gâteau.

Je n’entends plus rien. J’ai très peur pour papa et maman, là-bas dans cette ville, avec la guerre qui ne finit pas. J’ignore ce que sont réellement les attentats. Je sais qu’ils sont remplis de feu et de bruits et qu’ils terrifient ma mère. Je sais qu’ils sont les gestes cruels et désordonnés de ce conflit qui m’aéloignée d’eux et qui durcit mon attente illimitée et impatiente, difficile et lointaine. Tous les membres de notre famille sont partis. De même mes oncles et mes tantes paternels ainsi que tous les cousins et cousines de maman. Tous sont déjà à l’abri ici. Mes parents, vaillamment et imprudemment, restent pour des raisons professionnelles qui sont parfaitement obscures et auxquelles je ne comprends rien. Quant à moi, dans un infini ouvert à tous les probables, j’attends. (p.109)

 PRÉFACE

(…) Reste cette constatation amère, que partageront la plupart des exilés de la guerre d’Algérie : « Nous étions au centre d’une immense défaite qui nous dépassait et nous ne pouvions pas rester ». Et la narratrice use alors de cette émouvante métaphore : « Mon corps est liquide de toutes mes larmes ». Pour ce constat, pour cette image inlassablement ressassée, pour cette enfance heureuse et ce jardin dévasté, et aussi pour la scansion de ce livre que l’on parcourt comme un long poème, il faut lire de toute urgence ce beau témoignage de Nicole Squinazi Teboul.

Albert BENSOUSSAN,

universitaire et écrivain,

traducteur du prix Nobel de littérature 2010,Mario VARGAS LLOSA

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