Reinette l'Oranaise
Biographie de Reinette l'Oranaise
Reinette Sultana Daoud est née à Tiaret en 1915. Son père est un rabbin d' origine marocaine et dans sa famille, qui a reçu la citoyenneté française accordée aux Juifs algériens par le décret Crémieux (1870), on parle arabe depuis des lustres .
A l'âge de deux ans , une variole mal guérie la laisse aveugle. A l'école des aveugles d'Alger, Reinette l'Oranaise apprend le braille et... le cannage des chaises , mais sa mère n'a pas toléré qu' elle continue à faire ce travail qui lui abîmait les doigts: elle a voulu pour elle plus de gaîté et a demandé à Messaoud Médioni, dit Saoud l'Oranais, un juif séfarade et chanteur violoniste virtuose du style houzi, qui tenait un café à Oran (rue de la Révolution), – qui était le rendez-vous de tous les mélomanes, les musiciens, les paroliers et les vedettes locales (les théâtres étaient sous contrôle des autorités et interdisaient à cette époque toute expression arabe), de l'initier à la musique arabo- andalouse.
Du haut de ses treize ans, Reinette l'Oranaise passe donc sa première audition . L'essai est concluant puisque le maître décrète "qu'on pourra en faire quelque chose '' et la prend en pension chez lui . Il en sort quelque temps plus tard un 78 tours , que plus tard Reinette ose à peine écouter "à cause des fautes de diction''.
Intégrée très vite à l' orchestre du maestro , elle en profite pour mémoriser les musiques et les paroles de centaines de chants. C'est aussi dans le Darb, vieux quartier juif d'Oran , qu'elle se familiarise avec les instruments de musique . Après la darbouka, Reinette l'Oranaise s'initie à la mandoline puis au oud ( luth arabe) qu'elle affectionne particulièrement.
En 1938, le maître Saoud Médioni émigre en France pour monter un café musical à Paris. Reinette l'Oranaise, qui l'adorait sans le lui avoir jamais montré le rejoint dare-dare, mais elle est gentiment éconduite avec ces belles paroles'. '' Mademoiselle , vous avez plus besoin de moi ''.
Ce seront les derniers mots qu'elle entendra du maître vénéré qui mourra peu de temps après en déportation . Dans les années 40, Reinette quitte son Oranie natale pour Alger où à l'âge de 26 ans elle débute une carrière passionnante. Reinette l'Oranaise anime à radio - Alger deux soirées hebdomadaires et devient assez vite la chanteuse incontournable des fastueuses soirées altérasses.
Accompagnée des meilleurs musiciens comme Mustapha Skandrani (piano), Alilou (darbouka), Abdelghani ( violon ) elle chante avec les plus grandes voix de la chanson populaire et classique du Maghreb : Fadela dziria, Meriem Fekkaï, Alice Fitoussi, Zohra El-Fassia, Abdelkrim Dali, Dahmane Benachour.
Reinette l'Oranaise a même accompagné le maître du Chaâbi , Hadj M'Hamed El-Anka. Reinette exerce son art dans les nombreuses fêtes juives et musulmanes , mariages , circoncisions, anniversaires . Comme séfarade elle a même été admise à chanter dans un orchestre d 'hommes. Son nouveau maître de chant Abderrahmane Belhocine lui donne des cours d'arabe littéraire et lui fait travailler sa diction sans relâche.
Et puis le temps passe et avec lui les belles années faites de succès et de Cites. La guerre d’Algérie l’obligea, en tant que juive française, à s’installer en France., Reinette l'Oranaise quitte, la mort dans l 'âme, sa terre natale et sa chaleur pour se replier dans la grisaille parisienne.
Commence alors une longue période de repli médiatique et de solitude . En 1985, Reinette l'Oranaise a 70 ans et ne songe plus qu'à cultiver ses souvenirs. Il faut toute la ténacité d'un animateur de Radio-Beur à Paris pour la convaincre de remonter sur scène . Dès lors, ce fut le succès en France et à l’étranger (Bataclan, Olympia, concerts en Angleterre et en Espagne...).
En 1995, elle vit en banlieue parisienne, aux côtés de son mari, Georges Layani, un percussionniste. Elle est alors couronnée par l'Académie Charles-Cros et est reconnue par les Algériens de la tradition du style houzi.
Devenue une légende de la chanson judéo-arabe, sa voix s'éteint à Paris, le 17 novembre 1998 à l'âge de 83 ans. Son corps est inhumé dans la 89e division cimetière israélite de Pantin
****
Dans son film Reinette l'Oranaise - Le port des amours,réalisé en 1992, Jacqueline Gozland dresse un portrait historique de la Grande Dame de la musique classique algérienne, dans la grande tradition judéo-arabe, le pendant féminin du défunt Lili Boniche.
Reinette Sultana Daoud, née en 1915 en Algérie, figure parmi les grands noms de la tradition arabo-andalouse. Aveugle depuis l’âge de deux ans, elle s’est forgé une personnalité captivante et émouvante. La musique est son refuge vital contre la déchirure de l’exil.
Accompagnée des meilleurs musiciens comme Mustapha Skandrani (piano), Alilou (darbouka), Abdelghani (violon), elle chante avec les plus grandes voix de la chanson populaire et classique du Maghreb : Fadela Dziria, Meriem Fekkaï, Alice Fitoussi, Zohra El-Fassia, Abdelkrim Dali, Dahmane Benachour.
« Ma rencontre avec Reinette l’Oranaise en 1984, a été fondatrice. Je tourne avec elle Amours éternelles qui met en scène les retrouvailles de Reinette l’Oranaise et de Mustapha Skandrani, le fidèle pianiste. En 1988, j’ai fait un rêve fou. Réaliser un long métrage de fiction, une comédie musicale, dans l’Algérie des années 30, sur la vie d’une musicienne, Reinette l’Oranaise, chanté en langue arabe. La peur de voir s’éteindre cette génération merveilleuse et ma passion pour cette musique me poussent à réaliser en 1991, "Reinette l’Oranaise, le port des amours" un long métrage documentaire, à fixer pour l’éternité une Algérie plurielle. » (Jacqueline Gozland).
Voir le film sur Face Book avec le lien : https://www.facebook.com/watch/?v=255801829967105
>
Ajouter un commentaire
Date de dernière mise à jour : 26/03/2024