Saturne de Sarah Chiche

« Saturne » : de Sarah Chiche

Editions du Seuil, 205 pages 20 août 2020

Saturne couverture

Dans son nouveau roman, qui figure dans les premières sélections du Goncourt, du Médicis et du Femina, Sarah Chiche brosse le portrait d'êtres meurtris par la vie. Dont un père, mort trop tôt d'un cancer du sang, et sa fille qui s'est (re)construite grâce à l'écriture. Dur, mais beau.

Par Alexandre Fillon

https://www.lesechos.fr/weekend/livres-expositions/saturne-la-planete-douleur-de-sarah-chiche-1243042

Tout ou presque est affaire de douleur, de violence et de chagrin dans le nouveau roman de Sarah Chiche. Très remarquée à la parution en 2019 des « Enténébrés » (Points), la psychologue clinicienne et psychanalyste frappe à nouveau un grand coup avec le tempétueux « Saturne ». Une saga familiale éclatée et maîtrisée dont les pièces s'assemblent l'une après l'autre au fil des pages.

L'arbre généalogique démarre avec le grand-père de la narratrice. Joseph a été un médecin réputé exerçant à la clinique des Glycines d'Alger. Avant que le pays ne s'enflamme au début des années 1960 et qu'il ne lui faille organiser la fuite, quitter l'Algérie, traverser la Méditerranée et s'exiler avec les siens. Pour s'installer en France, y redémarrer de zéro et y bâtir un empire médical en soignant des dizaines de milliers de patients tout en amassant une fortune colossale.

Tempêtes

Avec Louise, Joseph a eu deux fils, nés à un an d'intervalle et élevés comme des jumeaux. Le solide Armand au destin tout tracé et le fragile Harry dont la route sera sinueuse. Celui-ci a encaissé les coups. Puis il est tombé fou d'amour pour une femme au visage perdu. La vénéneuse Eve. La « plus déglinguée des enfants perdues ». Un « ange exterminateur » à la splendeur blessée. Harry n'aura pas le temps de voir leur fille grandir. La pauvre a quinze mois à l'automne 1977 quand il meurt à trente-quatre ans dans les bras de son propre père brisé par le chagrin…

Il lui a fallu traverser les tempêtes. Tenir droit et avancer en se réfugiant dans les mots. L'écrivaine qu'elle est devenue n'a d'autre choix que de plonger au coeur des fêlures pour les clouer à jamais en convoquant les fantômes. Elle n'a pas oublié avoir été une gamine terrifiée face à la folie du monde des adultes et face au « morne écoulement des jours ». En un temps où elle pensait que la vraie vie n'arriverait jamais, où elle s'entendait trop souvent répéter : « Oh, tu as le sourire de ton père ». Avant de se transformer en une jeune femme qui n'était « que défaites et laideur », incapable d'empêcher la « désagrégation » de son esprit. Puis est venu le temps du salut et de la recomposition… Sarah Chiche écrit avec ardeur, avec vigueur. L'intensité de « Saturne » résonne longtemps une fois le livre refermé.

Voir et entendre l’interview de Sarah CHICHE par Ariane Singer pour AKADEM

https://akadem.org/magazine/magazine-culturel-2019-2020/entre-deux-identites-usurpees/44938.php

Sarah chiche

Sarah CHICHE lors de son interview par Ariane Singer

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Date de dernière mise à jour : 08/10/2020