Témoignage de Roland Foury

Témoignage de souvenirs  de Roland Foury qui avait 10 ans en 1942, sur l’action de son père, commisaire de Police, lors du débarquement allié à Alger et des jours qui ont suivi.

 

Ma famille s'installe à Alger, en Octobre 1937, venant de notre Auvergne natale. En Novembre 1942, j'avais 10 ans. Mon père, grand blessé de la guerre 14-18, très attentif aux événements de la métropole, car nous y avions laissé nos grands-parents, occupait les fonctions de Commissaire de Police à Belfort, à 16 km à l'est d'Alger. Je me souviens que mon père, déjà depuis quelques mois avant le débarquement en Afrique du Nord, recevait dans notre villa, le Capitaine Watson, cité dans ce témoignage et nous, comme tous les enfants de notre âge, nous voulions savoir qui était "ce monsieur" que l'on recevait avec tellement de précaution et qui nous valait, à chacune de ses visites d'être enfermés dans notre chambre. Ce n'est que bien plus tard que nous avons appris que le visiteur mystérieux appartenait à la Résistance Algéroise. Mon père a dû jouer un certain rôle dans les préparatifs du débarquement allié en Afrique du Nord : fin Septembre 1942 il avait aménagé à notre insu un véritable appartement dans la cave de la villa avec interdiction d'y pénétrer. Mais, dans la soirée qui a précédé le débarquement, le 8 Novembre à 23 heures, il y installa toute la famille avant de partir pour son commissariat d'où il revint aux environs de minuit. Vers 2 h 45, au premier coup de canon, alors que ma mère s'inquiétait croyant à un débarquement allemand, j'entends encore mon père lui demander de ne pas avoir peur et lui dire qu'il s'agissait en fait du Débarquement Allié. Puis il partit, nous laissant en sécurité dans notre cave pour ne reparaître que trois jours plus tard. On a beaucoup parlé du débarquement à l'ouest d'Alger, (Cherchell, Sidi-Ferruch) mais, à ma connaissance, jamais de la partie ouest : Maison-Carrée, Les Pins-Maritimes, Le Lido, Ain-Taya, Surcouf, Cap-Matifou, etc.… Qui étaient donc le ou les responsables pour les renseignements pour cette région où étaient installés de nombreux camps militaires, surtout de Tirailleurs Sénégalais ? Je pense que mon père a dû donner de nombreux renseignements au Capitaine Watson à ce sujet. Hélas mon père est décédé et nous ne pourrons jamais savoir la vérité. Je me souviens aussi que dans les quinze premiers jours qui suivirent le Débarquement, un violent bombardement aérien eut lieu en gare de Maison-Carrée qui était une gare régulatrice. Ce soir-là était garé un train complet de munitions et il y avait en outre un wagon de bombes soufflantes. Le chef de gare de l'époque et mon père ont décroché ce wagon et l'ont poussé en direction d'Hussein-Dey. Ils ont épargné de ce fait la destruction de la ville de Maison-Carrée. Ces images qui ont marqué le gamin de dix ans que j'étais alors, hantent encore mon esprit et c'est peut-être là qu'il faut trouver les raisons de mon intéressement au Monde Combattant et l'affection particulière qui me lie à tous ces Résistants algérois, métropolitains, à tous ces Soldats de l'Ombre dont beaucoup, hélas, portent encore aujourd'hui dans leur chair et dans leur esprit les marques indélébiles de leurs souffrances et de leurs sacrifices à la cause de notre France.

Roland Foury

 

 

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