Un zouave sur le front
Un zouave sur le front - 1915-1918, des Dardanelles à la Lorraine,
par Renée Elkaïm-Bollinger
Éditions de Paris-Max Chaleil. Mars 2015. Préface de Pascal Ory. 112 pages
Une recension de Jean-Pierre Allali
Le père de l'auteure, Jules Elkaïm, Juif algérien né à Oran en 1895 a été, lors de la Première Guerre mondiale, appelé sous les drapeaux et versé dans le corps des zouaves. Zouave, quel drôle de mot ! Il viendrait du berbère Zwawa, nom d'une tribu kabyle. Le zouave, les plus âgés s'en souviennent, c'est le papier à cigarette Zig-Zag. On le retrouve à la lettre « Z » de « L'alphabet des récréations enfantines » en compagnie du Zèbre au Zoo ou encore faisant peur à Bécassine dans « Bécassine pendant la Grande Guerre ». Avec sa chéchia garance, sa veste bleu foncé, son gilet sans manches, sa large ceinture de toile bleue, ses pantalons bouffants, ses guêtres blanches et ses jambières, le zouave, le « zouzou », qu'il soit « Français de France, Juif, Musulman ou Noir africain, ne passait pas inaperçu sur les champs de bataille.
Sous le pseudonyme de Jules Mikaeli (anagramme parfaite d'Elkaïm si on veut bien considérer que le i surmonté d'un tréma compte double), Jules Elkaïm, disparu en 1982, a laissé deux textes inédits sous forme de manuscrits « Épisodes vécus des Dardanelles à la Lorraine » et « La Calentita ».
Le premier raconte les 62 mois d'armée du zouave Elkaïm dans l'enfer des Dardanelles, dans la Somme et sur le Chemin des Dames. Le second évoque l'Algérie d'antan, l'épopée familiale et les mœurs des communautés qui faisaient l'Algérie coloniale.
Comédienne, professeur de lettres et journaliste, Renée Elkaïm-Bollinger revisite les écrits de son père en y apportant sa fine connaissance de la langue française, sa sensibilité touchante, un zeste d'humour et sa volonté de faire en sorte que cette tranche de vie ne soit jamais oubliée.
Les pérégrinations sur les champs de bataille de Jules Messaoud alias « La Julaille » sont tout à la fois désopilantes et tragiques. Les tranchées, les obus, les blessés et les morts, les poux, les pieds gelés et la gangrène... Le sort des soldats musulmans et africains qui combattirent sous l'uniforme français est analysé avec justesse. Comme dirait l'autre, « Les Dardanelles, ahlech, pourquoi ? » et « Ah ima », « Ah, ma mère ». « Zid, zid, encore, encore, la Guerre n'a pas de fin ! ».
Dans la deuxième partie du livre, les Juifs originaires d'Algérie retrouveront avec nostalgie la description de la soirée pascale et « Daïe Dayenou, les petits plats locaux, adafina, couscous, haricots, pois chiches et calentina. Yarassra. Il était une fois...
Au fil des pages, l'auteure cite, entre autres, Guillaume Apollinaire, Jean Giono, Maurice Genevoix, Roland Dorgelès et Blaise Cendrars, mais aussi Louis-Ferdinand Céline et Pierre Drieu La Rochelle.
Un cahier iconographique et des illustrations de Sem agrémentent ce livre de qualité qui mérite d'être découvert.
Renée Elkaïm-Bollinger est née à Oran. Elle a été comédienne, professeur de lettres et de «Mise en ondes», à l'Ecole Louis Lumière, et chargée de mission culturelle au ministère de l'Education. Journaliste, elle a produit et animé de nombreuses émissions sur France-Culture, dans les domaines de l'anthropologie, de la littérature et de la poésie, du cinéma et de l'art contemporain. Elle a multiplié les reportages et les portraits dans sa Série-Culte sur les mots de la nourriture, «De bouche à oreille «, «Saveur/ Savoir/ Savoir-faire «, et publié en 2011 un ouvrage : Alphabet comestible.
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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021